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L'édito de l'Union

La loi « immigration » de décembre 2023, un produit d’extrême droite

24/12/2023

À la grande joie du Rassemblement national, le Sénat et l’Assemblée nationale ont voté le 19 décembre 2023 une nouvelle loi sur l’immigration et l’asile, qui introduit dans le droit français le principe de la préférence nationale, retarde systématiquement l’intégration et pénalise les étudiants étrangers. Cette loi est aux antipodes des valeurs fondatrices de l’Union rationaliste. Elle remet gravement en cause les principes constitutionnels de liberté, d’égalité et de fraternité. Elle sape le fonctionnement de notre démocratie, qui n’est pas seulement représentative mais délibérative, en ce sens qu’elle doit traiter les questions de société à la lumière des faits et non pas sous l’emprise des sondages, des fantasmes collectifs ou des pulsions xénophobes. Les multiples dispositifs de cette nouvelle loi « immigration » ne sont pas dignes de l’État de droit édifié en France au fil des luttes politiques depuis la Révolution et élargi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par la Déclaration universelle puis la Convention européenne des droits de l’Homme[1]. La nouvelle loi met en cause les trois principes inscrits dans la devise de la République.

Liberté : les conditions d’arrivée et de séjour des étrangers en France sont fortement durcies. La loi relève les conditions de ressources et allonge les délais du regroupement familial. Elle impose aux étudiants étrangers une caution dite « de retour » ; elle prévoit l’instauration de quotas limitant leur maintien en France au sortir des études[2]. Elle rétablit le délit de séjour irrégulier, pourtant aboli en 2012 à la suite de deux arrêts de la Cour de cassation. Elle s’en prend au droit du sol en rétablissant la loi Méhaignerie de 1993, abolie en 1998, qui exigeait que les enfants nés en France de parents immigrés manifestent leur volonté d’acquérir la nationalité française. Au lieu de faciliter la régularisation des travailleurs sans papier, soumise actuellement aux aléas de la « circulaire Valls », les nouvelles mesures la livrent entièrement au pouvoir discrétionnaire des préfets.

Égalité : la loi instaure un principe de priorité nationale en imposant aux étrangers en situation régulière des délais allant de trois mois à cinq ans pour bénéficier des prestations familiales (allocations familiales, allocation de rentrée scolaire, prestation d’accueil du jeune enfant, allocations de logement social et familial, etc.), mais aussi pour accéder au logement social, percevoir l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou l’aide personnalisée au logement (APL).

Fraternité : la nouvelle législation, enfin, signe la fin de l’inconditionnalité du droit à l’hébergement d’urgence pour les étrangers privés de ressources.

Cet ensemble de dispositions ne réduira pas l’afflux des immigrants en situation irrégulière[3], mais il leur rendra la vie plus dure encore. L’ensemble repose sur l’idée fausse que l’immigration en France serait « massive » et « chaotique », et que les immigrés prennent le travail des Français, alors qu’ils accomplissent des tâches indispensables au fonctionnement de l’économie et de la vie sociale, comme l’a démontré la pandémie de Covid, un épisode trop vite oublié. L’UR se range résolument du côté des forces politiques, syndicales, associatives et académiques qui réclament l’abolition des mesures visant à aggraver la situation des immigrés installés en France et à rétrécir les possibilités d’accueil des nouveaux arrivants, étudiants compris.

Les rédacteurs de la loi Immigration ont cédé à des dérives électoralistes à courte vue. Ils invoquent les « attentes des Français » telles qu’elles ressortent du flux courant des sondages, alors que les enquêtes financées par le budget public (l’enquête annuelle de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, l’enquête Trajectoires et Origines menée conjointement par l’Insee et l’Ined), construites quant à elles sur de solides échantillons, posent des questions contextualisées qui font apparaître des opinions plus nuancées et plus tolérantes, moins sensibles au formatage du débat public par les médias.

Interrogé le 22 décembre, le président de la République a expliqué que la nouvelle loi opposait à l’immigration « le bouclier qui nous manquait » ; il a fustigé les « bonnes âmes », entendez : les femmes et les hommes attachés aux principes de l’État de droit. L’UR tient à rappeler que, depuis la consécration des libertés fondamentales par le droit international, la morale n’est pas l’ennemie de la politique, mais son indispensable complément. On ne fait pas de la morale quand on respecte les droits d’autrui et de la politique quand on les limite : les deux gestes sont à la fois politiques et moraux ; tous deux relèvent d’une éthique à la fois civique et rationnelle.
Ne partons pas battus ! L’arrivée de l’extrême droite aux commandes de l’État n’est pas une fatalité. La bloquer avec les armes de la Raison est un objectif sur lequel l’Union rationaliste mobilisera toutes ses forces au cours de l’année 2024.

[1] Dominique Rousseau, « Avant sa disparition sous les coups de l’extrême droite, un juriste doit parler pour défendre l’Etat de droit », Le Monde du 21 décembre 2023.
[2] Voir le communiqué de l’Académie des sciences du 20 décembre 2023 qui « regrette profondément les mesures de restriction à l’accueil des étudiants étrangers qui ont été adoptées (…) et s’inquiète de leurs conséquences sur l’avenir de la recherche et de l’université française ». Cf. aussi le communiqué des présidentes et présidents d’université publié sur le site de France Université.
[3] Voir la tribune de François Héran, président de l’Union rationaliste : « À vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix, on provoquera l’inverse », Le Monde du 22 décembre 2023.

François Héran et Michèle Leduc pour le bureau de l’UR.

Vous pouvez voir les commentaires et laisser le vôtre en bas de la page sur  : https://union-rationaliste.org/la-loi-immigration-de-decembre-2023-un-produit-dextreme-droite/

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